Handicap

La prise en charge en musicothérapie auprès d’enfants, adolescents, adultes en situation d’handicap physique, déficience mentale, avec troubles du comportement associés, se fait principalement autour de deux axes : 

  1. La structuration du schéma corporel
  2. La communication et la socialisation

Pour la présentation de cette activité, je dissocie ces deux axes pour mieux présenter  ce qui sera fait. Mais dans la réalité, la communication, qu’elle soit verbale ou non verbale, est évidemment essentielle dans la structuration du schéma corporel. En musicothérapie, c’est toujours la notion de plaisir qui est privilégiée pour amener le désir à écouter, expérimenter…. ainsi que la valorisation de l’action.

La structuration du schéma corporel

Le schéma corporel se définit comme une représentation mentale que chaque individu se fait de son corps, par rapport à la conscience de ses attitudes envers soi-même et de son espace environnant. Celui-ci n’est pas inné, il se construit progressivement  au gré des différentes stimulations extérieures. Chez le jeune en difficulté motrice et mentale, c’est un passage obligé, avant même d’envisager tous les apprentissages cognitifs. La structuration du schéma corporel  amènera à d’autres structurations plus élaborées. En musicothérapie, pour aider à une meilleure structuration du corps, j’utilise une combinaison des deux formes de musique réceptive et active.

La danse spontanée :

La danse spontanée, guidée ou par imitation sur support musical, avec suivant les possibilités, l’utilisation de maracas et tambourins qui peuvent être des  facilitateurs pour mieux appréhender son propre mouvement. L’instrument percussionnaire sert alors d’intermédiaire entre ce que je peux percevoir, entre mes sensations intérieures et ce que j’entends de l’extérieur. Il peut alors faire du lien. 

La relaxation multi-sensorielle : 

  1. Le toucher par le son : Il  est basé sur la bio-résonance corporelle du son et sur son ressenti vibratoire. Cette pratique concerne à la fois la dimension auditive et inclut également la perception cutanée, sous-cutanée et intra-corporelle des vibrations. Ce massage se fait avec des instruments vibrants et résonnants soit avec les bols tibétains et un grand tambour mongol, soit lorsque cela est possible avec les sons des harmoniques produits par ma propre voix.                                                                                  
  2. Le massage à percussion sonore :  C’est un massage à percussions corporelles qui se fait, soit avec les mains en associant des sons vocaux, soit avec des maracas en bois. Le corps de la personne est ainsi balayé de haut en bas et de bas en haut avec les mains ou une maraca par petits à-coups sur le jeune en un rythme rapide et fluide.                                                                                                                                                     
  3.  La réceptivité musicale : Ecoute de musiques basses fréquences avec ou sans casque, pour vivre un temps de relaxation profonde tournée vers sa résonance interne. Prendre un temps pour soi de bien-être. Si cela est possible se poser et être moins agité.   

La communication et la socialisation :                                                         

Pour un jeune vivant avec son handicap physique, mental et en déficience, le langage bien souvent bute. Leurs codes ne sont bien souvent pas les nôtres : impossibilité verbale, agitation, cris, colères, apathie…et ces expressions physiques, verbales et non verbales sont difficiles à interpréter, voire inaccessibles. La communication doit se faire différemment et il faut accepter que cela soit ainsi, sans jugement et fausses interprétations par rapport à notre propre norme. La musicothérapie peut être un moyen parmi d’autres comme facilitateur et médiateur pour entrer en relation avec le jeune. 

Axes possibles de prise en charge

  • Tenter de comprendre une communication, hors des codes habituels et de la norme dite sociale, et utiliser ceux-ci pour établir des échanges verbaux ou non verbaux lorsque cela est possible,
  • Favoriser l’émergence des sons et/ou du langage verbal. Pour cela, écoute de chansons simples et rythmées sur support CD, à la flûte, puis chantées pour encourager à la production vocale. Aussi, utilisation du micro pour mieux entendre sa voix,
  • En langage non verbal, encourager la désignation,
  • Provoquer la prise d’initiatives dans l’exploration de nouveaux instruments, laisser du temps sans guidance à l’émergence des envies et des potentiels face à une proposition musicale réceptive ou active,
  • Proposer des jeux d’imitation sonore,
  • Encourager la relation de cause à effet : geste/objet et images/chansons,
  • S’amuser/jouer, prendre plaisir à …
  • Vivre des émotions,
  • Respecter la consigne,
  • Stabiliser,
  • Sensibiliser au OUI /NON,
  • Gérer la frustration,
  • Etre présent et avoir un toucher conscient.

De mes différentes pratiques musicales auprès de ces enfants, adolescents et jeunes adultes handicapés, j’ai souvent observé que tous les instruments à résonance permettent une meilleure approche propice à la fois à la communication et une aide à la conscience corporelle. Leur utilisation sert souvent  de médiateur pour ces jeunes en difficulté motrice, mentale et aux capacités limitées en référence aux normes habituelles. Les vibrations, par leur capacité de résonance permettent un contact à la fois interne et externe qui provoque les sens, et amènent ces jeunes à percevoir et à ressentir quelque chose d’eux-mêmes. Et ce quelque chose leur appartient. Il peut être difficile à décoder et l’interprétation reste subjective. La vibration, les sons viennent bousculer, provoquer les sens du corps dont l’intérêt est aussi de ressentir des émotions. Les vibrations produites par les instruments seraient comme une sorte de langage qui parle au corps sans avoir à passer par un mental perturbé. Un langage composé de sons et de vibrations qui permet à ces jeunes en difficulté de communiquer en un langage différent du conventionnel, soit par le corps, des mimiques, des regards, des sons, des expressions….Ces sons, vibrations, chansons sont un moyen pour la rencontre entre deux personnes au-delà du langage conventionnel. Mais c’est avant tout reconnaître ces jeunes dans leur unicité et ainsi leur proposer un outil de langage commun qui peut être vécu et partagé ensemble.

LE SAMEDI MATIN…ET OUI !  C’EST MUSICOTHERAPIE ! EN AVANT LA  MUSIQUE !

 

On  retrouve les prémices de la musicothérapie jusque dans la Bible où il est dit que David jouait de la harpe pour calmer les angoisses du roi Saül. Plus près de nous, Claude Lévi-Strauss disait que la musique, c’est la parole masquée, la parole qui se transforme, explicitant ainsi que tout ce qui ne peut se dire a la possibilité d’être exprimé par le canal musical…alors quand le langage verbal manque ou est déficient, la musique peut devenir un médiateur d’apprentissages, d’expression des émotions aux travers de  mimiques, de sons, de danses, de sourires, de rires, d’utilisation d’instruments variés…Le jeune expérimente, découvre alors des possibilités, des sensations…qui peuvent ensuite être une aide à la structuration du schéma corporel, la communication et la socialisation. La musique aide à activer les deux hémisphères de notre cerveau  et à créer plus de connexions entre eux. L’hémisphère gauche se charge de la part plus logique, du raisonnement, des nombres, du langage, etc… D’un autre côté, l’hémisphère droit gère les fonctions plus intuitives, imaginatives et créatives.

Cela fait maintenant 18 mois que j’interviens le samedi matin au sein de l’association et c’est toujours un réel plaisir  de vivre avec ces jeunes des moments de partage tout en musique. L’approche se veut réceptive ou active selon l’envie, les choix et les possibilités de chacun.  A noter qu’on retrouve souvent trois approches sur chaque séance.

Un temps avec sollicitations où le jeune va être amené à répondre à une demande : imitation (en danse, en rythmique, en chant, en manipulation d’instruments…), choix musical par désignation  (le plus souvent avec support de pictogrammes)

Un temps d’expression libre où le jeune s’exprime comme il le souhaite, sous un regard et une attention bienveillante.  J’utilise alors les codes de communication du jeune pour entrer en communication et jouer ensemble.  Son mode de communication est alors reconnu et valorisé.

Un temps calme de relaxation : réceptivité musicale avec ou sans casque sur des musiques diverses de relaxation, l’utilisation de bols tibétain ou de gongs, massages multi sensoriels avec foulards ou petites percussions.    

Au-delà des techniques utilisées en musicothérapie, c’est toujours les notions de plaisir et  d’ÊTRE qui sont valorisés : être vrai, être reconnu dans ses possibilités et son mode de fonctionnement et de communication parfois atypique, être ensemble…C’est redonner sa place  à ce qui EST en toute humilité, simplicité et vérité. C’est encourager les actions, les prises d’initiatives, les expériences qui peuvent aider à une meilleure perception de soi et de son environnement. C’est aussi acquérir/ gérer /sensibiliser  au cours de ces expériences musicales partagées des notions de vivre ensemble : le respect (de soi, de l’autre, des instruments), la frustration (le non, l’attente, une demande…), et c’est encore vibrer et cultiver ensemble la joie autour d’un temps musical.

Merci à, Chloé, Sarah, Clara, Maelle, Alyia, Anne,  Thilbault, Corentin, Enzo, Louis et tous les parents qui faites que ces moments restent uniques à vivre.